L’ÉDUCATION AUX MEDIAS, une bataille cruciale

Article rédigé pour l’IDJ en avril 2011 ///

En 1982, dans un contexte de désengagement politique des états en matière de médias, l’Unesco posa la question de l’éducation aux médias dans la déclaration de Grundwäld «parce que plutôt que de condamner ou de louer le pouvoir des médias, mieux vaut reconnaître qu’ils constituent un élément important de la culture contemporaine et peuvent favoriser la participation active des citoyens à la société».

En moins de deux pages, ce texte qui envisage les médias sans passion, comme une composante «naturelle» de notre environnement.

Trente ans plus tard, dans la publication belge « Journalistes et médias » réalisée par l’Association des journalistes professionnels (AJP) dans le cadre de l’opération « Journalistes en classe », l’introduction pose la question plus frontalement « Que faut-il faire pour être correctement informé ? » et souligne l’importance d’une relation de confiance entre l’émetteur et le récepteur. Deux tendances semblent se contrarier. Au niveau de l’indice de confiance accordé, les journalistes sont, avec les politiques, dans le bas du tableau. Par contre, au niveau de la profession la plus « désirable », le journalisme fait partie du peloton de tête.

Que s’est-il passé pendant ces trente années ?

Dans notre monde nouvellement globalisé et interconnecté, les médias sont devenus un enjeu de société majeur. A coup de textes successifs, parcouru par des mouvements radicalement différents, l’éducation aux médias se dessine comme un vaste champ de bataille. D’un côté, les institutions politiques, les scientifiques et la société civile. De l’autre, les marchés et l’économie de dépendance. Sur la plaine médiatique, les forces en présence cherchent à gagner le public. Qui va l’emporter l’éducation ou le marketing ? Le destin de nos sociétés dépendra-t-il de consommateurs ou de citoyens ?

Grégory Jacquemin

UE : Athéna, déesse aux pieds d’argile

Opinion rédigée pour l’IDJ le 2 février 2011

Sur le long et difficile chemin de la construction  européenne, la plus grande avancée est certainement la stabilisation du vieux continent et les progrès qui en ont résultés. L’impulsion européenne instituée dans la déclaration de Schumann en 1950 et poursuivie, aujourd’hui, par l’Union Européenne a permis à la paix s’installer enfin durablement. Depuis plus de 65 ans, les Nations qui la composent sont en paix. Cette stabilité a été le terrain fécond de maintes avancées sociales et économiques. Grâce à l’Acte Unique en 1977, le Traité de Maastricht et Schengen, la libre circulation des personnes est majoritairement beaucoup plus aisée dans l’espace européen. L’institution d’une zone de monnaie unique, l’Euro, a facilité les transactions et d’une certaine manière favorisé la mobilité. Dans le domaine spatial, l’Agence Spatiale Européenne est réputée pour son efficacité dans la mise en orbite de satellites. Le consortium européen Airbus se dispute régulièrement la première place d’avionneur civil avec Boeing, le concurrent américain. Le règlement REACH sur les substances chimiques s’inscrit dans une législation moderne de défense de l’environnement et du consommateur. La mise en place des accords de Bologne, au niveau de l’enseignement supérieur et du plan Erasmus distillent peu à peu dans la jeunesse européenne un sentiment d’appartenance à un grand continent de plus de 550 millions d’âmes. Une identité européenne à l’oeuvre.

Malheureusement l’Union européenne souffre d’un problème d’image. Un grand nombre des opinions publiques qui composent cette Union, la juge trop opaque, trop complexe. Pourtant, avec le Traité de Lisbonne de 2007, beaucoup de progrès ont été faits vers un système démocratique européen plus direct, plus transparent. Le droit à l’Initiative Citoyenne, la charte des Droits Fondamentaux et l’obligation de consultation sont avec, le Parlement, la preuve d’une dynamique européenne vers l’émergence d’une réelle démocratie participative.

Athéna peut être parfois très maladroite et un système démocratique est par essence imparfait. L’Union européenne est souvent malmenée par les gouvernements des pays qui la composent. Jusque dans les années 80, les gouvernements nationaux étaient les garants de l’organisation démocratique de la société, de l’économie, de la justice et tout les domaines de la société. Avec la globalisation de l’économie et de la finance, les dérégulations et la conquête du monde par le paradigme néolibéral, les gouvernements nationaux ont perdu certaines prérogatives. Aux yeux de leurs opinions publiques, ils n’étaient plus capables de contrôler le pouvoir économique et financier. Il a fallu que ces gouvernements restaurent fonction. Le discours sécuritaire que l’on a vu apparaître dans de nombreux pays occidentaux en est un exemple frappant. L’Europe est aussi dans la ligne de mire de ces nouveaux discours politiques. Le « machin » européen est vu comme complexe, non-démocratique. Les « technocrates » et les « bureaucrates » de Bruxelles « nous » imposent des nouvelles règles. Les gouvernements nationaux utilisent l’excuse européenne à leur convenance. Positivement, c’est, invariablement, grâce à la ténacité du gouvernement du pays X que la mesure est bonne. Négativement, l’Europe est responsable des maux qui touchent les citoyens du pays X. La résistance des pays européens a se fondre dans l’Europe est grande. Elle est souvent proportionnelle à la taille du pays.

La crise économique est probablement une des meilleure chose qui soit arrivé à l’Europe depuis longtemps. Depuis les errements catastrophiques de la haute finance, les citoyens européens sont extrêmement sensibles au fait économique. Avec le Plan de Stabilisation Economique tout les yeux sont tournés vers les institutions européennes et leurs capacités à relever le gant. L’intérêt citoyen sur le thème, la couverture médiatique, le débat politique national autour de la question sont autant de facteurs qui permettent de penser que l’Europe va, à nouveau, occuper une place importante dans la vie de chacun.

Le risque est à la hauteur du défi, immense. Si l’Europe pose les mauvais choix face à la crise économique, elle risque de disparaître et plus rien ne pourra garantir que le vieux continent restera paisible.

 

Grégory Jacquemin

BELGIQUE: Le Surréalisme est-il soluble dans le Nationalisme ?

Une opinion rédigée pour l’IDJ le 27 octobre 2010 ///

Le Rattachement de la Wallonie et de Bruxelles à la France est un combat d’arrière-garde d’illuminés en manque de publicité.

En consultant le site Internet du Rassemblement Wallonie-France, je me demande comment les «rattachistes» peuvent être convaincus de ce qu’ils avancent.

Le rattachement à la France relève plus du fantasme que de la politique. Les «rattachistes» vivent dans un monde imaginaire où l’herbe est toujours plus verte chez le voisin. Notre Belgique n’est pas parfaite, loin s’en faut. Le bilan de la France, ces dernières années, est catastrophique. «Liberté-Egalité-Fraternité» n’est, hélas, aujourd’hui qu’un slogan qui occulte la réalité française. L’expulsion des Roms et le fichier ethnique de la Gendarmerie en sont deux parfaits exemples.

Les Belges qui vivent dans une société égalitaire et solidaire sont-ils prêts à troquer cet équilibre pour une société de classes, élitiste ?

N’en déplaise aux «rattachistes», le Belge, wallon ou bruxellois, n’est pas un Français. Nous partageons une langue, mais la Belgique est loin d’être la France. Le surréalisme n’est pas soluble dans le Nationalisme. La richesse de la Belgique, notre identité, nos racines sont issues de la rencontre et de la coexistence des Germains et des Latins, des Flamands et des francophones. Coupés de la Flandre, nous perdrions notre âme.

Notre sensibilité belge, la «Belgitude» est incompatible avec le modèle français, républicain et patriotique. Imagine-t-on les joueurs du Standard chanter la sanglante Marseillaise ? Les écoliers francophones vont-ils devoir lire la fameuse lettre de Guy Moquet ? Est-ce que Albert II va perdre la tête ?

Il y a, en France, une tradition nationaliste séculaire qui flirte parfois avec la xénophobie et le racisme. S’intégrer à la France c’est hériter d’un Front National capable d’arriver au deuxième tour d’une élection présidentielle. Sommes-nous prêts à nous fondre dans un pays en complet repli identitaire ? A part être la cible de blagues douteuses, que deviendrait «le Belge» dans l’identité nationale française ?

A l’heure de l’Europe, le «rattachisme» est une idéologie périmée. Agrandir le territoire français quand les petits pays sont plus stables, quand l’Europe des régions se construit est une ineptie. La Belgique a mieux résisté à la crise économique que la France.

Surtout, en tant que Belges sommes-nous prêts à troquer la photo de la famille royale contre celle de Nicolas et Carla sur les traditionnelles boîtes de biscuits ?

Grégory Jacquemin