ÉDUCATION AUX MÉDIAS: «Éveiller les citoyens aux réalités de la société»

Interview de Bernard Fostier réalisée dans le cadre de l’IDJ en avril 2011 ///

Bernard Fostier, «36 ans, carolo, histoire de l’art» aime se décrire de la sorte. Il est coordinateur pédagogique au Groupe Socialiste d’action et de réflexion sur l’audiovisuel, GSARA. Il aborde la question de l’éducation aux médias dans la pratique auprès d’un public populaire.

La question de l’éducation aux médias est fondamentale. «Les médias ont de plus en plus de pouvoir comme prescripteurs d’opinion. Cinq jours sur Fukushima et on est prêt à éteindre toutes les centrales ! Le ping-pong entre les médias, l’opinion et la politique est de plus en plus rapide et on a de moins en moins de recul. Le processus médiatique est devenu flippant. Donc il faut investir dans l’éducation aux médias».

L’éducation aux médias au GSARA, comment est-ce que cela fonctionne ?

«Le Gsara est né en 1976 avec la vidéo. A l’origine, le GSARA travaillait sur le cinéma, le décodage de la télévision. Par le décret «Education permanente», nous nous inscrivons dans une dimension sociale. Nous devons travailler sur base de projets dont l’initiative vient de notre public. Celui-ci doit être «populaire» -c’est le terme employé- et adulte».

Souvent, par «éducation aux médias», il est compris «critique de la presse».

«Nous sommes très attentifs à tout ce qui est information télé visuelle parce qu’elle concerne essentiellement le public populaire. C’est la première chose politique avec laquelle nos publics vont devoir jongler. Du côté de l’info, il faut réellement faire un travail de décodage».

Concrètement, comment cela se déroule-t-il ?

«Pour les JT, on organise beaucoup d’ateliers; comparaison de JTs, démontages, remontages, changements de sons. On fait beaucoup d’exercices pratiques».

«Du point de vue des nouveaux médias, pour l’instant on est dans l’expérimentation, la prise en main de l’outil. Quand tout le monde saura faire un webdoc (un documentaire multimédia sur Internet), on passera à autre chose, mais là il faut surtout travailler à combler la fracture numérique».

C’est-à-dire ?

«Nous devons nous adapter aux nouvelles technologies. Les gens attendent beaucoup d’enseignement de notre part. Ils ont soif de «savoir-faire»; comment manipuler un ordinateur, transférer des photos, créer un compte mail,… Nous, on est bien embêté, parce que sans projet, on ne peut presque rien faire».

Comment résoudre ce problème ?

«Il faut voir l’Education permanente comme une partie de «pousse dans le dos». Le projet doit être initié par un public qui doit être participatif. Trouver des adultes libres en journée, à l’esprit participatif et qui ont un projet… C’est assez compliqué de réunir toutes ces conditions. Alors on s’appuie sur des réseaux d’associations déjà existant qui ont déjà un public motivé et rassemblé».

En Angleterre, l’OFCOM, l’organe de régulation des communications a défini le concept de «citoyen-consommateur» où l’éducation aux médias devrait se faire sans jugement de valeur ou d’opinion. Qu’en pensez-vous ?

«La première grande leçon de tout les ateliers audiovisuels, c’est «quand tu fais quelque chose, tu poses des choix personnels fatalement orientés selon tes valeurs, donc politiques. Dans l’éducation aux médias, on doit avoir une vision pluraliste des choses. On essaie de prendre de la distance, on analyse le plus possible en respectant l’autre, en dialoguant et en s’informant. On ne peut pas construire des produits médiatiques sans opérer des choix basés sur des opinions. Quand on veut éduquer sur les médias, c’est pareil, on doit faire des choix qui sont basés sur nos opinions. Il faut les afficher. C’est le noyau de l’éducation permanente: éveiller les citoyens aux réalités de la société. Pas l’endormir à coup de consommation, responsable ou pas».

Un pronostic pour l’éducation aux médias dans un futur proche ?

«Nous sommes tous de plus en plus sollicités, pas forcément mieux informés par les médias. Je pense que l’on est appelés à vivre dans une sorte de mix «médiatico-réel» et nos pratiques vont évoluer autour de cela. Rester juste dans l’analyse, bref de l’éducation aux médias, c’est bien, mais ce n’est plus suffisant, Il faut participer, créer, produire. La prise de conscience par ce biais se fait plus vite».