TUNISIE: Le difficile chemin de la liberté

Article rédigé dans le cadre de l’IDJ, le 2 février 2011 ///

Ben Ali a chu, la Tunisie arpente la voie de la démocratie

Le 14 janvier 2011, face à la pression de la rue tunisienne, Ben Ali, président depuis 1987, prend la fuite en Arabie Saoudite. Une dictature de 23 ans prend fin. Aujourd’hui, les cendres encore chaudes de la révolution tunisienne sont soumises à des vents contraires.

Le détonateur de cette révolution, c’est le geste désespéré du jeune Mohamed Bou’aziz le 17 décembre 2010, quelques jours avant Noël. En s’immolant, ce Tunisien de 26 ans a manifesté son désespoir face à une société où la liberté est étouffée, où la jeunesse est humiliée par le pouvoir. Prenant de l’ampleur, entre-autres grâce aux réseaux sociaux sur Internet, cet acte de désespoir est devenu le cri de révolte de tout un peuple. Après un mois de manifestations et de protestations, la dictature de Ben Ali prend fin.

Pour Lanis Andoni sur le site d’Aljazeera, « les racines du soulèvement tunisien sont une combinaison mortelle de pauvreté, chômage et répression politique, trois caractéristiques de la plupart des sociétés arabes ».

Sous le règne du couple Ben Ali – Leïla Trabelsi, la jeunesse tunisienne n’avait aucune perspective d’avenir. Pratiquant népotisme et corruption, le clan des Trabelsi détenait des pans entiers de l’économie du pays. Cette « kleptocratie » mafieuse détournant argent et marchés, appauvrit un pays sans ressource majeure. Le taux de chômage est important, spécialement chez les jeunes. La police tunisienne, bras armé du pouvoir, en sur-effectif ,un classique des dictatures, terminait de briser les aspirations du peuple à coups de bâton, tortures et humiliations.

Si, aujourd’hui, un vent d’espoir et de renouveau nous vient   de la Méditerranée, la Tunisie n’est pas encore stabilisée.  Le chemin de la liberté et son corollaire, la démocratie est long et semé d’embûches.

Au niveau politique, il faut nettoyer les institutions et les administrations des membres du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, tout en assurant une transition jusqu’à de nouvelles élections. Ce gouvernement de transition dont le chef est Mohammed Ghannouchi, ex-Premier Ministre de Ben Ali, reste une source de tensions.

Economiquement, c’est tout le secteur qu’il faut reconstruire rapidement. Le premier chantier sera de se débarrasser du réseau de corruption qui gangrène l’économie tunisienne pour redonner confiance aux investisseurs. Les Tunisiens devront agir vite et bien pour compenser les pertes des rentrées touristiques et la dévaluation de la dette du pays par les agences de notations sous peine de voir le chômage augmenter de manière encore plus dramatique que sous la dictature de Ben Ali.

Les médias tunisiens doivent apprendre la liberté d’expression. Oscillant entre le lynchage médiatique des personnes gravitants autour du couple présidentiel et la docilité à l’égard de Ghannouchi, Premier Ministre de transition, ils oublient que le plus urgent, actuellement, est de susciter un espace libre de discussion et de réflexion.

Un espace d’autant plus urgent que le pays doit être pacifié. Certaines villes sont en proie aux pillages, aux émeutes et l’insécurité règne. Le corps de police qui a dénoncé publiquement sa direction le 23 janvier, n’a toujours pas la confiance du peuple malgré les appels à la réconciliation. L’armée pour s’être opposée à Ben Ali, jouit d’une opinion favorable auprès des Tunisiens, mais elle ne peut pas garantir la sécurité intérieure et extérieure du pays.

Derrière ces émeutes, il y a un autre danger. L’ombre menaçante du retour du dictateur. Deux jours après sa fuite, son chef de la sécurité, le général Seriati est accusé de « complot contre la sécurité intérieure de l’Etat » pour avoir organisé des pillages avec des miliciens. Selon Mezzi Haddad, ambassadeur tunisien démissionnaire cité par le Soir, Ben Ali a prémédité l’anarchie en vue de reprendre le pouvoir, fournissant armes et argent à sa garde rapprochée afin de provoquer la guerre civile tout en sollicitant une intervention militaire du voisin libyen.

Les chantiers sont conséquents et les périls nombreux, la société civile et le tissu associatif auront un rôle important jouer.

Si le peuple tunisien relève les défis qui s’offrent à lui, ce petit état du Maghreb peut devenir une grande démocratie pluraliste et insuffler un nouvel élan aux Lumières du monde arabe-musulman.